Depuis plusieurs années, nous assistons à un regain d’intérêt des jeunes générations pour l’art et les activités dites classiques. La lecture en est l’activité principale par son caractère incontournable à l’école ou à la maison, mais surtout du fait de l’accès aux champs des possibilités qu’elle offre. La richesse d’un livre restera toujours conséquente : même un petit livre de 200 pages, reste un énorme pavé de 80 000 mots, contrairement à un article de blog qui en contient généralement 1000.
Que ce soit l’étudiant qui apprend sa discipline par la lecture de manuels, ou encore le jeune paumé qui lit des philosophes des temps anciens, car le présent ne lui donne aucune réponse à ses questions, ou celui ou celle qui a ce don d’avoir le goût de la lecture et qui se plonge dans un livre par plaisir, tout le monde est concerné par la lecture. Ce livre concerne plus précisément toutes les personnes qui souhaitent maîtriser à un niveau supérieur un domaine ou une discipline quelconque par la lecture.
Malheureusement, les guides proposés sur internet ne concernent que des aspects anecdotiques de la lecture, notamment des guides pour lire plus vite ou mémoriser plus facilement ce qu’on lit. Mais il n’y a rien en ce qui concerne la lecture de manière globale. On peut noter aussi que dans notre époque postmoderne qui fait que ce que l’on représente est plus important que ce que l’on est, on finit par ne plus lire pour lire, mais seulement pour dire que l’on a lu. Pour ceux qui veulent dépasser cette superficialité de la lecture, ce livre offre un guide complet. Écrit en 1940, il nous est parvenu 80 ans plus tard.
Le livre en lui-même
Écrit en 1940 par un professeur de Philosophie reconnu Mortimer J. Adler et aidé par l’écrivain Charles Van Doren, How to Read a Book se révèle être l’un des seuls guides pratiques qui couvre bon nombre d’aspects de la maîtrise de la lecture. Malheureusement, sa version traduite en français n’est disponible nulle part.
Il faut avoir à l’esprit qu’il n’y a rien d’absolu. En ce qui concerne la lecture, l’auteur ne fait que mettre en place des normes de bonnes conduites pour nous proposer une certaine éthique de la lecture. Aucune règle n’est absolue. Personne n’est obligé de suivre ces règles. Mais bon, quand l’un des plus célèbres professeurs de philosophie des États-Unis vous donne des conseils, on s’assoit et on écoute.
Ce livre part de l’hypothèse que la lecture est une compétence, qui peut être entraînée et maîtrisée à haut niveau. Pour cela, l’auteur principal, Adler, décompose l’apprentissage de la lecture en quatre parties distinctes.
Les 4 parties du livre
La lecture élémentaire : La lecture élémentaire, c’est le niveau de lecture que tout le monde possède déjà. On l’acquiert très tôt à l’école. C’est tout simplement la capacité de changer des symboles en information. Ce chapitre n’a que peu d’importance et nous n’allons pas nous attarder davantage dessus pour des raisons évidentes.
La lecture d’inspection : Le deuxième niveau de lecture décrit par Adler est bien plus intéressant. Il est surtout nécessaire pour passer aux chapitres suivants. Comme son nom l’indique, la “Lecture d’inspection” consiste à trouver le plus d’informations possible sur le livre avant d’en commencer la lecture. Ce niveau est essentiel pour savoir, sans même avoir lu entièrement le bouquin, si vous devez le lire, et surtout comment le lire (un livre théorique ne se lit pas de la même manière qu’une fiction). Ce niveau de lecture vous donne un aperçu complet du livre qui sera fortement utile pendant sa lecture. Adler distingue deux méthodes utiles et pratiques pour la lecture d’inspection.
La première, qu’il nomme “L’écrémage”, consiste à jeter un œil à toutes les informations de façade que contient le livre.
La deuxième méthode qu’Adler appelle la lecture superficielle peut être couplée à la première ou non. Elle concerne la lecture brève du livre dans sa totalité, sans s’arrêter.
La lecture analytique : Le but de la lecture analytique, c’est de comprendre le message et l’intention de l’auteur par une lecture complète du livre. C’est un niveau de lecture qui permet de comprendre un livre, la raison de son existence, et permet de le critiquer raisonnablement.
Ce chapitre nous montre comment :
- Classer le livre
- Comprendre l’unité du livre
- Définir la problématique de l’auteur
- Comprendre les propositions clés du livre
- Comprendre le langage de l’auteur
- Trouver et comprendre les arguments de l’auteur
- Critiquer les arguments de l’auteur
La lecture comparative : Le dernier chapitre de ce livre présente une méthode de lecture plus poussée. Le but de cette lecture est de croiser les ouvrages sur un même domaine pour en retirer le maximum de connaissances possibles et en comprendre les possibles paradoxes. C’est une méthodologie de recherche essentiellement utilisée par les universitaires.
Dans l’introduction, Mortimer donne les trois raisons qui poussent quelqu’un à lire : le divertissement (pour se détendre), l’information (avoir de la connaissance, ou de la culture générale) et la compréhension (être plus perspicace, comprendre mieux les logiques d’un domaine, d’une discipline). Ce livre se concentre essentiellement sur la compréhension, car d’une part c’est la raison la plus compliquée à développer et d’autre part, c’est la seule qui possède un impact important sur nos vies.
Sur la lecture rapide
En ce qui concerne la vitesse de la lecture, Mortimer vous répondrait que les individus qui se forcent à lire vite ne lisent pas vraiment, ils survolent le livre. Quand on veut absolument lire vite, on ne prend pas de notes, on ne se questionne pas, on ne lit pas de manière intelligente.
En plus d’être une méthode ridicule et non productive, le “speed reading” traduit chez celui qui le pratique une certaine flemme, qui s’exprime par le désir de vouloir accumuler des connaissances sans faire d’effort. En littérature, l’effort est constant et concerne tout le monde.
Les deux écrivains préconisent d’apprendre à varier la vitesse de lecture plutôt que de vouloir absolument lire plus vite. C’est en adaptant votre vitesse de lecture, en fonction des chapitres que vous allez juger comme des passages clés du livre (avec à la lecture d’inspection), que l’on peut gagner en vitesse de lecture sans perdre en compréhension.
Les “speed readers” s’accrochent plus à leurs vitesses de lecture qu’au livre lui-même et cela a un impact sur la compréhension. C’est exactement pour cette raison que c’est la compréhension du livre qui est jugée lors des concours de speed-reading.
Le marquage d’un livre
Pour Adler, vous êtes propriétaire du livre seulement si vous écrivez dans celui-ci. C’est la seule méthode pour s’approprier un livre complètement et le faire passer de simple bouquin à un objet d’étude personnel unique, ce qui correspond à votre propre questionnement.
Lire un livre doit être comme une conversation avec l’auteur ; n’ayez pas peur d’écrire dans un livre ou de l’abîmer. Justement, c’est un honneur pour l’écrivain que de s’approprier ses pensées en marquant le livre.
La méthode de marquage d’Adler se décline comme suit :
- Souligner les points importants
- Suivre la ligne verticale pour relever un passage
- Utilisation d’étoiles dans la marge
- Utiliser des numéros dans la marge pour lister les points non visible d’un argument
- Et surtout, écrire dans le haut et le bas de page : les interrogations, les désaccords, etc.
- Et je rajouterais ensuite l’utilisation de post-it pour marquer clairement les pages.
Conclusion
Dans son ouvrage, Adler met l’accent sur notre capacité à analyser un livre comme un squelette humain. Un livre est structuré en plusieurs parties, qui sont elles-mêmes structurées par des points essentiels. Connaître la structure du livre avant sa lecture permet d’anticiper l’auteur et de mieux le comprendre.
Le livre coûte une vingtaine d’euros sur Amazon. Je vous encourage à le lire si vous faites des études qui demandent des compétences littéraires.